mercredi 9 décembre 2009

La mer

La mer cette année là, avait son air mauvais,
Et les plus fiers marins n’osaient s’aventurer
En marées hauturières, car ceux qui l’avaient fait,
Manquaient les soirs de fête à boire et à chanter !

Du lever au coucher elle avait le teint gris
De ces coulées d’acier, et tous avaient appris
À fuir son regard ; les vieux sous leurs bérets,
Grattaient un front pensif, un peu désespérés…

Un curé s’en vint même y déverser un soir
Un soupçon d’eau bénite, juste comme ça, pour voir !
On poussa les enfants à ne plus y pêcher
À remettre à plus tard leurs jeux de ricochet,

Mais elle grondait toujours au point que les sommeils
En étaient agacés ; quand toujours les vieilles
Ressemblent aux lendemains, les jours sont si longs
Qu’on ne sait trop qu’en faire de ces jours si longs…

Les Meilleurs connaisseurs en humeurs maritimes
S’en repartaient bien vite, au son grêle des mâtines.
L’argent vint à manquer, les bistrots se vidaient,
On vit les maladies que la science ignorait.

Un soir qu’il y avait en ville voisine
Un concert de Trenet, la belle se fit câline ;
Et quand le fou chantant se prit à entonner
« La mer aux golfes clairs », elle s’en vint l’écouter…

Le pays, à l’instant, eut les souliers trempés
Mais assista bien vite au spectacle insensé
D’une mer qui dansait sous un soleil d’azur
Le grand Trenet, lui-même, priait pour que ça dure !...

Cent fois il la chanta en un parfait délire
Sautant, virevoltant, partageant son plaisir,
Au point que les marins entonnèrent en chœur
La chanson qui donnait à la mer son bonheur.

On dit qu’elle embrassa le poète lui-même
Et on sut qu’elle voulait, tout simplement, qu’on l’aime…

Le chêne et le bûcheron



(Une autre image du chêne, du bûcheron, du cerf, du grand duc, du putois et de la pie est en cours ...)
Le chêne et le bûcheron

Les anciens vous diront qu’au-delà de ces landes
S’étendaient à l’envie, les bois de Brocéliande ;
Un vieux chêne y vivait au grand respect de tous ;
On dit que son écorce savait se faire douce

A tous ceux qui avaient le cœur pur des enfants…
Les anciens vous diront aussi, en souriant,
Que son ombre abrita plus d’un fougueux amant,
Dont les cris agaçaient les oiseaux croassant.

La nuit, les sangliers y causaient aux chevreuils,
On y parlait cachettes, recettes et goût des feuilles.
Les plus jeunes lapins y faisaient cabrioles,
Et la lune en leurs yeux, brillait comme luciole.

La rumeur, un matin, s’enfla comme un orage,
L’arbre était condamné, promis à l’abattage !
Les hôtes de nos bois, furieux de ces présages
Décidèrent à l’instant, de venger cet outrage.

Un bûcheron s’avançait, une scie à la main
Quand un cerf en folie lui botta l’arrière-train.
Une pie lui meurtrit le dessus de la tête.
Arrêtez ! arrêtez, sales et maudites bêtes !

Un grand duc, à l’instant, oubliant sa lignée
Fit choir belle fiente à l’odeur épicée
Cependant qu’un putois plus puant que jamais
Roulait en la besace de son bon déjeuner !

L’homme était encerclé pestant comme un damné
De ne savoir pourquoi le sort le maudissait…

« Écoutez-moi plutôt, bûcheron détestable »
Dit un renard, sorti tout droit d’une autre fable,

« Le chêne est notre ami, si vous voulez sa mort,
Vous périrez aussi et… c’est bien mauvais sort

Vous en serez, je pense on ne peut plus d’accord
Alors, que dites-vous ? Assez… Ou bien… Encore ? »
Et comme il s’entêtait, plus obstiné qu’un âne
Se levèrent de grands vents aux fureurs océanes.

Tous les arbres s’en furent, leurs racines aux pieds,
Jusques aux paradis des chênes et des pommiers.
Mais on dit que le chêne, s’en revient , certains soirs,
Pour offrir aux enfants un tour de balançoire !...

mardi 8 décembre 2009

La ballade des statues



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La Ballade des statues

Un soir que les orages agaçaient les esprits
S’éveillèrent soudain les statues de Paris
« Et si nous décidions de partir en goguette
En faisant de cette nuit nos dimanches et fêtes ! »
Les belles, fatiguées de la pose imposée,
Saluèrent la nouvelle comme la bouche le baiser
Et dès l’ultime clef tournée par les gardiens
Chantèrent liberté en entraînant les chiens.
Les passants qui passaient manquèrent trépasser
En croisant, tour à tour, une nymphe pressée
Par un Casanova, Louis XIV au galop
Qui remontait l’histoire, bousculant tout pâlot
Un Musset souffreteux face à une officine
Qui vantait les vertus des dernières médecines
Et le lion de Belfort, virilité dehors :
« Les, … bestioles de Vincennes c’est à l’est ou au nord ?
Le Zouave, les pieds nus sur une chaufferette
Qui sirotait un grog en sifflant les jeunettes
Et Jeanne d’Arc déchaînée sur le roi Charles VII
Sous les yeux égrillards de poulbots à sucettes
Le penseur de Rodin à sa Onzième bière
Levant enfin le coude un peu plus haut qu’hier
Cependant que la louve, louveteaux aux mamelles
Se gavait de pigeons fuyant à tire-d’aile
Montaigne s’égosillant en justifications
« Puisqu’une vieille rumeur me fait réputation
De préférer les hommes aux femmes qu’on croise ici
Je vais faire un essai… avec la Boétie ! »
Ronsard en piétinait des pléiades de roses :
Carpe Diem, j’avais raison, enfin il ose ! »
Et Mozart qui riait de son rire bien à lui
« Et si on se faisait une petite musique de nuit »-
La piéta soupirant : « que la vie est étrange
Mon sculpteur de famille s’appelle Michel Ange ! »
Dès les primes lueurs chacun reprit la pose
Et ceux qui s’éveillaient demeurèrent bouche close
En oyant les récits des récitants des nuits
Aux paupières bleutées de ces rêves enfuis.

mercredi 7 octobre 2009

les vaches et le financier






Les vaches et le financier

Six vaches ruminaient

Au lieu dit « les six prés »

En lorgnant l’autre pré

Où poussait un cyprès…

Passe alors un banquier :

« Mesdames, s’il vous plait,

Je puis vous faire un prêt

Pour quérir ce cyprès

Que vous rembourserez

En six traites acceptées… »

Le contrat fut signé

Mais aucun bovidé

Ne goûta au cyprès

Car le prêt fut brouté :

Moralité :

Dès que banquier vous veut du bien

Même cyprès se fait si loin…


Le blues de l'académie



Le blues de l’académie

Assis en terrasse d’un café
Deux académiciens réputés
Faisaient assaut de connaissance :
« Notre école désespère la France,
On ne sait plus rien d’hérodote
De Pirelli ou d’Androthérote… »
« Tout à fait… Le savoir n’est que vétille
Pour nos jeunes , Valmy est une pastille,
Le grand Colbert un palmipède
Et Andromaque un vil remède… »
Un étudiant agacé par ces échanges
Qu’il jugeait bouffons et étranges
Se décida à parler à son tour
Sur le ton redouté de l’humour :
« Que de savoir, que de culture,
Vous devez sublimer l’écriture ? »
« Si nous la sublimons… Oui bien sûr ! »
« Alors vous ne pouvez ignorer ce trait
D’un anonyme orléanais :
Verlaine vaut mieux Villon.
Que d’érotisme dans l’expression ! »
L’académie privée de ses repères
Ne savait trop comment se refaire…
« Peut-être préférez-vous le peinture,
Ce mot de Braque, une valeur sûre :
Mieux vaut chien Braque que Chagall ! »
L’académie vira du gris au pâle.
« Mais Braque n’a jamais peint de chien ! »
« Et pourtant il parlait si bien du Titien :
Le Titien aboie et le Caravage passe ».
L’académie rétrécie était lasse.
« Mais à la fin que souhaitez vous dire ? »
L’intervenant prit le temps d’un sourire :
« Mais que tout pouvoir a grand besoin d’humour ! »
L’académie s’en fut d’un pas de calembour.



Alain Prunier.

mardi 6 octobre 2009

La pirouette du Hérisson




La pirouette du hérisson

Par un de ces hasards dont la vie est friande,
le glabre et le piqueux tous deux de Brocéliande
tombèrent nez à nez : « Que faites-vous céans
avorton de reptile autant que malséant ? »
« Je vaquai, voyez-vous, à mes occupations
cherchant terrain propice à mes excavations
et vous-même, quel sorte de vent vous amène ? »
« Une faim terrible qui me rend peu amène… »
La bestiole hérissée, comme chacun le sait,
Rafolle des lombrics et le nôtre y pensait :
« Il… il se murmure beaucoup en terres alentours,
que vous seriez inapte aux choses de l’amour
quand il n’est, à dire vrai, de poses érotiques
qui ne soient familières à mon corps élastique… »
« Me feriez-vous, ici, un procès d’attention ? »
« Non point j’attirais juste votre attention. »
« n’aurais-je tant vécu pour cette infamie… »
« Alors n’hésitez plus, chassez ce discrédit,
un roulé-boulé, même très ordinaire,
prouverait, c’est certain, un réelsavoir-faire. »
Amusé par ces mots, l’animal s’élança,
Mais dans l’épaisse glaise, longuement pataugea.
Cette histoire finit malpour notre hérisson
Car s’enfuit le lombric et, tous les vers y sont.


Alain Prunier.

lundi 5 octobre 2009

Pierre et Jules






Pierre et Jules

Un corbeau désoeuvré
baillait aux corneilles ;
« Rien, rien à dénigrer
depuis l’avant veille,
le métier se meurt
Je m’en vais émigrer… »
« Ce serait grand malheur
que vous emigiez »
lui souffla un renard
maraudant au hasard
« Mais je me sens si las ! »
« Ce sera pire ailleurs ! »
« Que faire dans ce cas ? »
« Je suis un peu docteur
en psychanalyse
et puis traiter la crise
si vous êtes d’humeur…
parlez-moi de vous,
quelle enfance eûtes-vous ? »
« J’étais corbeau unique
et mon père alcoolique
tua un jour ma mère… »
« Ppourquoi ce fait d’hier ? »
« Dès les primes mâtines
elle lisait Racine
que mon père jalousait
depuis bien des années… »
« Et que devint papa ? »
« La cirrhose l’emporta ! »
« Le malheur, a mauvais goût ! »
soupira le goupil roux…
En quittant l’oiseau en deuil
Espéré en demi-deuil.

Moralité :
Peu de renards freudiens
déjeunent à leur faim.



Alain Prunier.

lundi 21 septembre 2009

L'honneur du lièvre



L’honneur du lièvre

Un lièvre, aussi peureux que nous l’apprend l’usage,
était la risée de tout son entourage…
Sa compagne lassée de son poseur de mines
le gourmandait souvent : « Tu n’es qu’un has-been
quand je veux le panache d’un lièvre conquérant
se jouant des tracas, fierté de ses enfants,
un lièvre qui, de plus, me soit de ces amants
qui porte mon plaisir au-delà de l’instant… »
L’animal, accablé par tant de plaidoirie
fleurant bon le tourment des viles tromperies
n’était qu’oreilles basses et cernes prononcées ;
sa cousine d’Hazebruck dégrisa ses pensées :
« la gent féminine a besoin de rêver
de rire, d’admirer et d’être désirée.
Offre-lui un bouquet de belles fleurs des prés,
trouve un coin d’herbes folles, emmène-là dîner
chante-lui ton amour sur un air de garenne
ose un poème osé dont elle serait la reine… »
Notre lièvre s’en fut, soudain revigoré,
en lisière des bois où poussent les bleuets.
Il aperçut alors de ces fusils luisants
qui suivaient, menaçants, de gros chiens aboyant ;
Il détala, frondeur, au nez de ces derniers,
sautant, zigzaguant, jusqu’à les éloigner
des sites où reposaient familles et congénères…
On le tua, bien sûr, pour que l’homme soit fier.
Sa veuve dépérit de n’avoir pas compris
que mâle mieux compris jamais n’eût dépéri
Moralité :
La gent féminine est parfois compliquée
qui pleure ce qui fut sans aimer ce qui est.


Alain Prunier.



vendredi 31 juillet 2009

Lutèce bien Paris








les mouettes peuvent être disséminées dans le textes tandis qu'à côté je dessine autre chose plus représentatif de la fable et de Paris